Papà Gahús : Le trésor de la langue

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À l’occasion de la sortie de Tròp de Pòc, le nouvel album de Papà Gahús, le Mag a taillé le bout de gras avec Silvan Carrère, chanteur du groupe. Résumé d’une conversation passionnante.

Papà Gahús distille son rock vitaminé 100 % bigourdan depuis plus de quinze ans. Particularité du groupe : les paroles des chansons sont en langue gasconne. Papà Gahús, c’est plus qu’un projet musical : c’est l’expression d’un amour immodéré pour notre patois local.

Bob Marley de la Bigorre

Soyons précis : les chansons sont-elles en langue gasconne ou occitane ? « On chante en langue bigourdane, qui est aussi du gascon, et qui est aussi de l’occitan. C’est une histoire d’échelle : l’occitan, c’est tout le sud de la France, avec la grande famille des pays d’oc. Au sein de ces pays, il y a sept familles ; nous, on est dans la poche de la langue gasconne. C’est la même langue ; si on dit qu’on chante en bigourdan, c’est pour faire râler les Occitans et les Gascons ! (rires) On est un peu comme Bob Marley : on se revendique de notre quartier, et notre quartier, c’est la Bigorre. » Dans le dernier album, on trouve de véritables pépites, comme Era cançon de Grangèr, un chant traditionnel lourdais qui raconte l’histoire de la légende locale Jean-Marie le Granger.

Vision du monde

Si le public ne comprend pas les textes lors des concerts de Papà Gahús, ça n’est pas un problème : « On s’est toujours dit que ceux qui vont voir AC/DC au Stade de France ne parlent pas forcément anglais, donc bon… ». N’allez pas croire que le choix de la langue soit une posture ; c’est, au contraire, tout à fait naturel : « On chante dans cette langue car on exprime des choses dans cette langue. C’est un acte de création. Les mots sortent en gascon, donc on va au bout de la démarche et on la partage avec les gens, même s’ils ne saisissent pas le sens des paroles. Chaque langue apporte une mélodie, une prosodie, une vision du monde ; ce qu’on transmet, c’est l’énergie ».

Main tendue

Silvan a grandi en parlant français et gascon : « Mes grands-parents qui habitaient Labatut-Rivière parlaient gascon à la maison. Ils avaient la classe. C’était des gens dignes. Mon grand-père partait travailler à mobylette à l’usine Fabre, à Maubourguet ; pour moi, c’est un héros. Je chante dans cette langue car je veux avoir leur classe, leur élégance ». Y a-t-il aussi une volonté d’amener cette langue au public ? « Oui, car cette langue, on la partage. Je vais même aller plus loin : pour nous, c’est notre seule monnaie d’échange. Beaucoup de gens font du rock’n’roll ; le faire en gascon, c’est une main tendue à tout le monde, pas seulement aux populations locales ».

Adieu, Marcadieu !

Le verbe de Papà Gahús est profondément ancré dans la terre bigourdane : « On s’assume sur la place publique en tant que Bigourdans, on défend la diversité culturelle et linguistique. Les langues et les cultures sont des moteurs de lien ». Silvan, utilisez-vous la langue gasconne dans la vie de tous les jours ? « Je l’emploie un peu dans le cadre professionnel, en faisant un travail de journalisme et de recherche avec les anciens. Je l’emploie aussi dans le cadre familial, avec des gens qui ont été éduqués avec la langue et qui l’avaient complètement abandonnée. Ça devient de plus en plus rare de l’utiliser dans la sphère sociale avec des gens qu’on ne connaît pas. Il y a encore une quinzaine d’années, on entendait toujours quelqu’un parler la langue le jeudi matin à Marcadieu ; aujourd’hui, quasiment plus ».

Réparer l’injustice

Une langue, c’est un trésor. Papà Gahús le sait et s’évertue à partager ce trésor inestimable avec le plus grand nombre : « On a voué nos vies à ça. J’ai commencé à me battre pour cette langue à l’âge de 12 ans ; j’en ai 42 aujourd’hui. ». Comment est venue cette impulsion ? « J’ai vécu une injustice. Un jour, à l’école, les profs ont demandé “Qui veut faire occitan ?”, et tout le monde a rigolé. Une langue millénaire est là, on nous propose des cours, et tout le monde rigole ? Ça veut dire quoi, ça ? C’est pas ça, la vie ! ». Ce jour-là, Silvan a été le seul à lever le doigt. « Une culture qui disparaît, c’est une injustice, une violence, comme une espèce animale qui disparaît. C’est tout un pan de l’humanité qui dégage. Il faut qu’on propose aux gens une façon de se ré-accaparer le territoire. Il faut toujours espérer. On est là pour vivre ». Un dernier mot ? « J’encourage toujours les gens à aimer la Bigorre au sens large. C’est important de se sentir d’un endroit pour grandir, évoluer et s’intéresser aux autres. On peut aimer plusieurs choses : la France, l’Occitanie, la Bigorre, les pays d’où viennent nos ancêtres… le polyamour culturel, ça existe ! (rires) ». Merci, Silvan, et longue vie à Papà Gahús !

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