Grâce à la laine des brebis de race lourdaise, menacées d’extinction, Fanny fabrique des fils naturels dédiés à tous les arts créatifs (tricot, tissage, crochet…). Présentations !
Originaire du Val d’Azun, Fanny a fondé sa propre marque, Knitty & Woolly, dans le but de valoriser et mettre en lumière la laine de cette brebis qui se fait malheureusement de plus en plus rare.
Fanny a 33 ans. Elle a suivi des études scientifiques. Après sa thèse, elle est partie vivre en Belgique pour son postdoctorat : « J’avais envie d’aller à l’étranger pour vivre une autre expérience, nous a-t-elle raconté, et j’ai débarqué à Anvers il y a quatre ans avec ma famille ». En parallèle de son métier, elle a continué à développer sa passion pour la laine : création, tricot, tissage… Peu à peu, son projet personnel prend forme ; l’an dernier, elle finit par franchir le pas : elle monte son entreprise, et quitte son travail pour s’y consacrer entièrement.
À partir des années 70, la brebis lourdaise s’est faite de plus en plus rare : « C’est une brebis très grande, elle ne correspondait pas aux standards de boucherie, et elle a été délaissée au profit de la Tarasconnaise. Aujourd’hui, il en reste un peu moins de mille, alors que le seuil d’extinction est de 6000 bêtes ». Face à cette situation, le père de Fanny s’est engagé en se lançant dans l’élevage : « Il a notamment collaboré avec l’UPRA dans un programme de conservation de la race par la congélation de semence issue de béliers sélectionnés, dont un de son troupeau. Le fait de valoriser la laine des Lourdaises dans mon travail s’inscrit dans une démarche de continuité avec ce qu’il a entrepris il y a plus de trente ans ».
En français, Knitty & Woolly signifie « tricoté & laineux » : « J’ai appris le tricot avec ma grand-mère. C’était, parmi les arts du fil (tissage, couture, tricot), celui que je pratiquais le plus. Petite, j’avais déjà mon métier à tisser ». Chacun le sait : la laine, ça tient chaud ; ce que l’on sait moins, c’est qu’elle permet également de se maintenir au frais : « Sa structure en écaille permet de réguler la température du corps, et on peut la porter même quand il fait chaud ». La laine a beaucoup d’autres qualités : « Elle a des propriétés d’isolation phonique ; elle est naturellement ignifugée, ce qui permet de s’en servir pour faire des vêtements destinés aux pompiers, et c’est également une matière renouvelable, durable et biodégradable ». La laine peut absorber jusqu’à 35 % de son poids en humidité, ce qui permet à celui qui la porte de rester beaucoup plus au sec qu’avec des vêtements synthétiques : voilà pourquoi de nombreux vêtements de sport sont aujourd’hui fabriqués à base de laine.
La laine des Lourdaises est particulière : « Je vais la chercher chez les paysans du Val d’Azun. Elle donne un joli fil : il faut la trier pour isoler les fibres les plus intéressantes ». Fanny utilise également la laine des Tarasconnaises : « Je mélange les deux, avec un ratio précis afin que leurs propriétés se complètent. La Lourdaise est assez difficile à travailler, car il y a beaucoup d’hétérogénéité dans les toisons : certaines sont plus jarreuses que d’autres. Il y a beaucoup de perte, mais on trouve de très belles parties ». La laine française subit la concurrence de l’étranger : Afrique du Sud, Amérique du Sud, Océanie… « Dans nos montagnes, la laine est souvent considérée comme un déchet : beaucoup de bergers ne savent pas quoi en faire et la brûlent, la stockent… Il était important pour moi de récupérer et donner une utilité à cette laine ».
Fanny organise des ateliers dans lesquels elle transmet son expérience : « La transformation de la laine comme je la pratique dans mon atelier permet de se réapproprier des savoir-faire artisanaux essentiels et ancestraux, et de comprendre le long cheminement de la laine avant de devenir du fil. J’explique comment fabriquer du fil à partir de la laine lavée, et je montre des techniques comme le tricot et le tissage… » Fanny collecte la laine dans les fermes et la trie à la main avant de l’envoyer dans une filature située en Ariège. Non, lecteurs facétieux, la filature n’est pas un endroit où l’on apprend à suivre un individu pour espionner ses faits et gestes : c’est le nom du lieu où sont fabriqués les fils de laine.
Fanny aborde chaque aspect de son travail avec la même éthique : « Lors de ma recherche de partenaires pour assurer les différentes étapes de la transformation (lavage, cardage, filage et teinture), je voulais faire appel à des entreprises locales et artisanales qui possèdent les savoir-faire nécessaires ». Exemple : l’étape de teinture : « Je travaille avec un partenaire artisanal qui utilise des teintures végétales. Je tenais à éviter les colorants industriels artificiels, qui sont très polluants ». Fanny se réserve toujours une quantité de laine pour fabriquer un fil entièrement fait à la main, avec lequel elle réalise de petites créations comme des bracelets tissés : « C’est important pour moi de garder ce contact avec la matière, et de réaliser moi-même toutes les étapes de transformation de la laine ». Bonne route, Fanny ! La Bigorre vous remercie de mettre en valeur de la sorte les brebis de nos belles contrées !
www.knittyandwoolly.com