Quand on se replonge dans les albums et dans les clips récents de Sangria Gratuite, il ne peut venir à chacun qu’une seule réflexion : c’est fou qu’en si peu de temps le monde ait tant changé !
Alors quoi : il faudrait que l’on se sente troublé de voir des gens faire la fête au son d’une musique survitaminée chantant la bonne humeur et la joie de se retrouver ? Et pourtant, hier encore…
Si vous pensez, devant un clip de Sangria Gratuite, avoir affaire au monde d’avant, vous vous plantez : après que l’on se sera débarrassé de ce virus trouble-fête, c’est exactement ce à quoi ressemblera le monde d’après ! Si la fête promet d’être grandiose, il faudra que la musique soit à l’avenant. Peut-on vraiment compter, dans le Sud-Ouest, sur un autre groupe que Sangria Gratuite pour la mener ?
La Mairie de Tarbes ne s’y est d’ailleurs pas trompée. Il y a quelques semaines, elle invitait le trio composé de David (guitare et chant), Gibb’s (basse et chant) et Lolo (batterie et chant) à livrer, en stream, un concert live depuis le Théâtre des Nouveautés. Petite pique humoristique de Sangria Gratuite qui, débarquant sur scène, attaque fort et non sans humour : « Salut public en délire ! Content de vous retrouver ! » ; la salle est vide, bien sûr, mais dans les foyers bigourdans, la fête commence.
Ce qui nous a frappé, c’est d’avoir pu constater à quel point les derniers tubes de Sangria Gratuite, parus pourtant fin 2019, résonnaient avec l’actualité. Du titre « Ça m’a manqué » à « Eh toi là-haut », jolie tirade envoyée aux élites parfois quelque peu déconnectées (et peut-être encore davantage en temps de pandémie), en passant par « J’ai rendez-vous », dont chaque mot porte l’idée d’un rendez-vous prochain avec le public, le message passe : on a tous très envie de refaire la fête, Sangria Gratuite en tête !
Depuis plus de 20 ans qu’il existe, le trio fait, bon an mal an, 50 à 60 concerts par an, dans une tournée annuelle auto-organisée, le groupe comptant beaucoup sur ses propres forces et travaillant d’ailleurs depuis toujours en auto-production. David : « Les concerts, c’est une des seules choses qui nous permettent d’exister. On ne fait pas de gros médias, un peu de radio de temps en temps, mais l’essentiel de notre promo, c’est les concerts. Et puis, c’est ce qu’on aime, c’est ce qui nous porte, ce qui fait que l’on continue depuis des années à faire de la musique. Forcément, là, on est un peu brimé… »
Il faut bien reconnaître que l’époque est peu propice à l’esprit d’ouverture et de célébration que prône et porte Sangria Gratuite. Si la musique du groupe, avec les années, conserve la tonalité franchement Sud-Ouest qui est la sienne depuis ses débuts, non seulement ses textes se diversifient pour toucher des thèmes de plus en plus universels, mais par ailleurs, chanter les vertus de son pays n’est pas incompatible avec l’envie de les partager avec d’autres contrées ! « La plupart de nos concerts, on les joue dans le grand Sud-Ouest, mais on est allé partout en France, notamment en Bretagne, en Vendée, à Paris… On a déjà fait quatre tournées en Nouvelle-Calédonie, on est allé en Suisse, en Espagne, à Cuba : à chaque fois, ça a été des rencontres qui ont eu une influence sur notre musique et sur notre envie de jouer » précise Gibb’s. « On parle de notre coin de pays, mais on a vachement envie de voir le coin de pays des autres » ajoute Lolo. « Quand on est partis en Nouvelle-Calédonie, qu’on a rencontré des Wallisiens, on se demandait ce qu’ils allaient penser de nos textes. En fait, on s’est trouvé plein de points communs, et on a pu mesurer à quel point les peuples du Pacifique aiment faire la fête.» Finalement, les vertus de l’ouverture, ce ne serait pas de découvrir davantage ce qui nous rassemble que ce qui nous sépare ?
Sangria Gratuite, lors de l’entretien qu’on a eu avec eux, ne nous a semblé aucunement défaitiste, malgré les circonstances difficiles pour tous les travailleurs de la culture. L’année 2020 a été une année blanche, pendant laquelle ils n’ont pas pu vraiment défendre leur dernier album, ni non plus, sur le plan strictement pécuniaire, vivre pleinement de leur métier. Si le groupe se défend de faire, stricto sensu, de la politique dans leur musique, aujourd’hui, le simple fait de vivre de son travail quand on officie dans le milieu de la culture est devenu politique, et David, Lolo et Gibb’s participent, à Pau, à l’occupation des lieux de culture qui s’y organise comme partout ailleurs. La réouverture attendue des concerts sera l’occasion de donner sur scène leurs titres les plus récents, en plus de renouer avec leur public et avec l’ambiance d’un vrai moment de fête partagé. Le groupe a bien travaillé pendant l’épidémie, il a partagé avec ses suiveurs des lives, des vidéos, des collaborations avec d’autres musiciens… Il en restera sans doute quelque chose. Mais, bazar, rien ne vaut la rencontre. On a hâte avec eux, qu’au prochain « Salut public en délire ! », il y ait dans la salle un écho monstrueux pour répondre à l’apostrophe ! On en sera, bien sûr, et l’on reprendra nous aussi à la suite de David, Lolo et Gibb’s « ça m’a manqué », en éprouvant précisément ce que cela, après des mois de sevrage de fête et de musique live, veut vraiment dire que le manque…
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