Sylvain Denis : Le monde de l’invisible

Depuis la nuit des temps, certains humains développent des capacités qui leur permettent d’entrer en contact avec le monde des esprits. Rencontre avec un chasseur de démons.

Quand on parle d’« exorciste », quelle image vous vient en tête ? Celle d’un homme austère avec un long imperméable, un chapeau haut de forme et une mallette bourrée de crucifix et d’eau bénite ? Sylvain Denis est très loin des clichés du genre : il nous a accueillis en toute simplicité et nous a offert une discussion passionnante de plusieurs heures.

Plombier de l’âme

Sylvain vit dans un petit village bigourdan. Son travail est issu d’une longue tradition : « Je suis en quelque sorte un chaman : quelqu’un qui travaille avec des esprits. Ça me fait rire de dire “exorciste”, mais factuellement, c’est ce que je fais : quand il y a une entité ou une magie noire, je l’enlève. Je ne suis pas un guérisseur, je suis plutôt un genre de “nettoyeur” : je fais du nettoyage énergétique ». En abordant cette activité hors norme de manière simple et sans artifices, il dédramatise la situation afin de se concentrer sur l’essentiel : permettre à ceux qui sont en difficulté de se libérer de leurs entraves. « Je suis un peu comme un plombier : je décrasse les tuyaux. J’enlève tout ce qui empêche la circulation de l’énergie ».

Parasitage énergétique

Sylvain, qui sont les gens qui font appel à vous ? « Je travaille presque uniquement avec des cas extrêmes. C’est ma spécialité. Les gens qui viennent me voir sont en très mauvais état psychologique, ils sont dans des poisses noires. Je suis au bout de la chaîne : avant moi, ils ont déjà vu plusieurs guérisseurs et rien n’a fonctionné. Certains ne croient pas aux exorcismes, mais leur vie est un tel désastre qu’ils se disent “c’est pas possible, y a quelque chose” ». Quelles sont ces « entités » qui cherchent à nous parasiter ? « Ce sont des prédateurs, ils se nourrissent d’énergie : ils se greffent sur toi et bouffent ton énergie vitale. Leur but est de te faire générer des émotions négatives. La mère de toutes les émotions négatives, c’est la peur : ils s’en régalent. C’est la base de tous les problèmes énergétiques ».

 Baptême du feu

Comment tout ça a-t-il commencé ? « Avant, tu m’aurais parlé d’exorcisme, je t’aurais ri au nez. Je n’y croyais pas une seconde. Et puis il y a quelques années, un ami m’a tanné pour que j’aille voir un guérisseur pour un problème d’oreille. J’ai senti des trucs bouger en moi ; mon oreille s’est améliorée, puis la guérisseuse m’a dit : “Toi, t’as un truc”. Elle m’a formée, m’a donné des exercices, et je me suis mis à ressentir de plus en plus de choses. Elle m’avait ouvert le “canal de réception”. J’ai commencé à faire des petits nettoyages énergétiques, puis une médium m’a emmené sur un exorcisme dans une maison infestée, où vivait quelqu’un qui l’était également. Une fois sur place, elle s’est tournée vers moi et m’a dit : “C’est à toi de le faire !”. J’ai dit “non”, elle a insisté ; comme je ne savais pas quoi faire, j’ai pris un crucifix et je me suis mis à vociférer des trucs que j’avais vus dans les films (rires). Ça c’est super mal passé. Ça a été… terrifiant. J’ai mis du temps à m’en remettre, mais ça m’a permis de comprendre que mon boulot, c’était ça : chasser les démons. »

 Vomir au plafond

Pour Sylvain, l’énergie fait partie de la nature humaine : « Je considère que c’est un peu comme le 5e élément. En tant qu’humains, on est tous capables de manipuler cette énergie ». Est-ce que cela nécessite un apprentissage, ou est-ce que certains le font sans le savoir ? « La majorité le fait naturellement. On a tous des intuitions fortes, comme “ne fais pas ci”, ou “ne va pas là” : ça, c’est quand on se reconnecte à notre flux d’énergie ». Et concrètement, comment se déroule un exorcisme ? « Certains ont peur en arrivant, ils sont en sueur, ils croient qu’ils vont grimper au plafond et vomir partout comme au cinéma (rires). Ça ne se passe pas comme ça, car je ne permets pas aux entités de s’exprimer. Mon premier boulot est de rassurer les gens et leur dire qu’il ne va rien se passer. Certains sont même parfois déçus de ne pas voir de manifestations paranormales ! »

Gare aux farfelus

Sylvain est à des années-lumière du mouvement New age, des salons zen et autres foires à énergie : « Je les appelle les hippies (rires). Ils font énormément de dégâts : ils se forment en regardant trois vidéos sur YouTube, puis ils s’autoproclament “guerriers de lumière” ou je ne sais quoi, et ils vont s’attaquer à des démons multidimensionnels… Il y a beaucoup d’inconscients et d’escrocs dans ce milieu. Ça nous fait beaucoup de mal : des gens auraient besoin de nous, mais ils ne viennent pas car ils ont eu de très mauvaises expériences avec des guérisseurs. C’est à cause d’eux qu’on passe pour des guignols ». Fidèle à cet état d’esprit, Sylvain n’a que très peu de goût pour le décorum, les rituels et le folklore : « Je déteste ça. Pour moi, c’est de la perte d’énergie ». Il entend normaliser un service qui, selon lui, devrait être facilement accessible à ceux qui en ont besoin : « Je suis normal : je fais mon exorcisme, et puis je rentre chez moi regarder le foot ! (rires) » Merci, Sylvain !